Mon sang est jaune
Dans ses œuvres figuratives ou abstraites, Abdelkébir Rabi’ traduit l’intime lien qu’il entretient aujourd’hui avec le lieu de son enfance. Nous avons parcouru cette pinède et effleuré ses rochers en écoutant les récits qu’il en faisait. De ces lumières est né « Mon sang est Jaune », un instantané nourri des émotions qu’un grand peintre marocain a su sublimer en art.
Le collectif AliceA fabrique des expériences poétiques. Nos installations prennent forme à partir d’une sémiologie des apparences. En tant qu’humains, c’est par le prisme du langage que nous abordons et partageons les champs visuel et sonore.
Dans le cadre de cette exposition nous avons présenté :
- 5 oeuvres photographiques avec Réalité Augmentée
- Une installation immersive avec vidéo mapping
- Le prototype d’une sculpture interactive
Ce projet, Mohamed Rachdi, l’a créé. L’idée était de nous proposer une résidence sur les lieux inspirant le travail d’Abdelkébir Rabi’s afin de créer un dialogue entre deux visions d’un même lieu. L’une inspirée directement de la mémoire d’un enfant né à Boulemane et raffinée à l’aune d’une vie dédiée à l’art. L’autre émergeant de la modernité où les mémoires mécaniques du numérique agissent dans la temporalité du présent sans filtration de l’expérience, juste le ressenti d’une confrontation directe à un lieu et un art de faire.
Nous sommes donc arrivés avec précaution devant l’œuvre et son reflet, prélevant juste ce qu’il fallait de sa beauté pour en extraire une résonance contemporaine. Il faut de l’audace. Il faut du silence. Il faut prendre le temps pour modestement œuvrer à côté du maître.
Malgré la singularité de nos approches, le flux des temporalités relie nos créations. Pour Abdelkébir, il y a cette actualisation des sensations fugaces de la plénitude charnelle des souvenirs. Une forme de spiritualité. Tranformer en un geste de peintre la remembrance d’une lumière, passe par la concentration, l’introspection. C’est un réveil. Pour nous, Il s’agit d’une archéologie de l’immédiat. Le frisson vient de ce qui peut émerger d’un temps qui fuit en permanence. L’objet, la scène sont des déclencheurs, des pré-textes d’une histoire à inventer.
Lors de cette résidence, nous avons collecté formes, traces, matières et récits offerts par le lieu lui-même : une modeste pinède en retrait du village, d’où émanent nombre d’histoires potentielles dont Abdelkébir s’est fait depuis longtemps le passeur. De toutes les pièces récoltées faites de réalités et de réalisme est né l’installation « Mon sang est jaune ». Une vidéo grand format, une sculpture et une exposition photo avec réalité augmentée restituent une version poétique et musicale de notre perception du lieu. Nous avons cherché dans ce présent ordinaire qui nous était proposé, les vibrations fossiles d’une intime et profonde connivence entre l’artiste, la forêt et son peuple de rochers et de lumières.
« Mon sang est jaune » est apparu lors d’un échange qui eût lieu entre Abdelkébir et « XXxxx », un personnage habité par la forêt. XXxx fait corps avec elle et se désigne comme son soignant et son embellisseur. La candeur d’une telle déclaration ne peut venir que d’un être touché par la grâce. Une forme de luft ou baraka. XXxx est vite devenu une sorte de centre de gravité de ce séjour alimentant nos étonnements. Nous en avons fait la colonne vertébrale de notre création.
Exposition de 5 œuvres photographiques avec Réalité Augmentée
Les textes de chaque œuvre
Une goutte d’or avait perlé au bout de ma blessure. Extraordinaire, mon sang était jaune. Je l’avais cru rouge comme les autres. Découverte fascinante, saisissante. Peut-être la raison de mes déraisons que je vivais inexpliquées au fond de moi-même, aux yeux des autres.
Que fait-on avec un sang qu’on sait jaune et qui bat dans un cœur banal. Comment me nourrit-il ? Que vais-je en faire ? Cette lumière que je n’avais jamais vu qui coule dans mes veines, que fait-elle de moi ? Un homme ? Un monstre ? Un fou ? Un artiste ?
Ce sang jaune me murmure des récits d’or et de soufre. Des histoires de terres arides, de blés rares et de sables infinis. Des histoires où poussent si peu de vies. Elles m’inondent de ces sourires qui troublent ceux qui me croisent. Je n’ai pas peur. J’ai fait alliance avec la lumière.
Cet éclat doré derrière mes pupilles vient donc de ce secret que je portais sous ma peau. Chaque goutte de cet ambre liquide rayonne comme un soleil. Personne pour en embrasser la vérité. Je me retrouve seul face à leur rouge passion, leur rouge colère, leur rouge danger. Ce monde, qu’intuitif, je refuse d’accéder.
Je l’ai lu dans mes rêves comme une mission. Aujourd’hui, j’irrigue la pinède de mon sang. Par transfusion, je l’infuse, la nourrit. Je deviens la partie pour le tout. Un jour, la forêt deviendra jaune. Je serai alors la forêt.
L'expo In Situ
Les publications
Un catalogue de l’exposition traduit en anglais et arabe
Un article dans la revue spécialisée diptyk ICI
